Que feriez-vous si une catastrophe frappait la communauté dans laquelle vous travaillez? Quelles mesures pouvez-vous prendre si une telle situation se produit? Et quelles mesures peut-on prendre à l’avance pour réduire au minimum les dommages causés par un événement catastrophique majeur comme le typhon Haiyan qui a dévasté des régions entières des Philippines au début de novembre 2013?
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, le typhon Haiyan a touché 13 millions de personnes, dont quatre millions de personnes déplacées. Dans les zones touchées, le typhon a endommagé la plantation principale de riz et a perturbé la plantation secondaire du riz (http://www.fao.org/news/story/fr/item/207171/icode/).
Après une catastrophe de cette ampleur, il faut immédiatement trouver des provisions de secours, notamment des aliments, de l’eau et des abris. Dans le cas du typhon Haiyan, la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) avait aussi prévu fournir aux paysans des semences de riz, de maïs et de légumes; des outils; des engrais et de l’équipement d’irrigation.
Après la première étape de secours d’urgence, il faut commencer la reconstruction et se concentrer sur le développement.
De quels facteurs le spécialiste du développement devrait-il tenir compte en ce qui concerne la préparation aux catastrophes? Et quelles sont les interventions les plus utiles lorsque survient une catastrophe? Pour dégager des idées générales pouvant s’appliquer à de nombreuses situations, nous avons consulté quatre spécialistes ayant de l’expérience avec des populations déplacées ou non établies à la suite d’une catastrophe naturelle ou d’un conflit:
R. Darrell Smith est le directeur général de Global Environmental Relief.
Robin Denney a travaillé au Liberia et dans le Soudan du Sud après les conflits qui ont secoué ces pays.
Laura Meitzner Yoder a travaillé à Aceh, Indonésie, après le tsunami de décembre 2004 et au Timor-Leste durant les premières années après son indépendance.
Rhoda Beutler a participé aux secours humanitaires en Haïti après le tremblement de terre de 2010, même si elle n’y était pas physiquement présente lorsque le tremblement de terre s’est produit. Elle connaît également beaucoup de gens qui ont participé directement aux efforts de rétablissement en Haïti.
Nous partageons ci-dessous leurs contributions ainsi que des informations colligées de présentations et d’articles.
I. Se préparer à une catastrophe éventuelle
Que peut-on faire à l’avance pour réduire au minimum les effets d’un phénomène naturel comme un tsunami, un ouragan ou un typhon?
L’agriculture de conservation pour éviter l’érosion.
À l’occasion d’un webinaire sur la vulgarisation agricole et les changements climatiques, Gaye Burpee, des Catholic Relief Services, nous a confié : « En 1998, l’Amérique centrale a été frappée par un ouragan d’une force qui ne survient qu’une fois aux 200 ans [Mitch] avec des vents de 290 km/heure (180 milles/heure), 1 250 mm (50 pouces) de pluie et 22 000 morts au Honduras, le principal pays touché. Les pertes économiques [ont atteint] 7 milliards de dollars [dont 2 milliards de pertes agricoles.]… [Un] tiers des paysans au Honduras ont perdu toute leur récolte et 10 000 hectares de terres ont perdu toute leur couche arable.
« Par la suite, World Neighbors et un consortium d’autres organismes [ont analysé] certains des impacts… Ils ont découvert… que les terres sur lesquelles ont avait pratiqué l’agriculture de conservation… ont eu de 58 à 99 pour cent de moins de dommages, selon les pays, que les terres conventionnelles, que ces terres avaient conservé de 28 à 38 pour cent de plus de leur couche arable et avaient connu de 2 à 3 fois moins d’érosion de surface. »
« Mais dans les secteurs où il y avait des ravins ou des glissements de terrain en amont des terres conservées, les terres conservées et non conservées ont subi les mêmes dommages. Lorsque je suis allé au Nicaragua… environ dix mois plus tard, les paysans m’ont dit “Nous ne vous avons pas écouté lorsque vous nous donniez des formations sur la conservation du sol et de l’eau parce que nous pensions que c’était une perte de temps.” [Ils] m’ont montré une colline dont toute la couche superficielle avait glissé dans un ravin. Ils m’ont ensuite pointé [un lopin soumis à l’agriculture de conservation qui était intact et sur lequel poussaient encore des cultures.] Ils m’ont dit : “Nous vous supplions de revenir nous enseigner à nouveau parce que maintenant nous avons compris.” » (Simpson et Burpee, 2012.)
En gros, l’agriculture de conservation (AC) est une approche qui applique des principes durables et écologiques pour réduire l’érosion et maintenir et améliorer la fertilité du sol. Les pratiques d’AC incluent la perturbation minimale du sol, l’utilisation de matière organique comme paillis et la rotation des cultures. Si un producteur pratique l’agriculture de conservation, mais qu’un autre producteur en amont du premier ne la pratique pas, il peut être utile de planter du vétiver ou une autre plante à racines profondes, ou de creuser des fossés dans la section la plus élevée du lopin où se pratique l’agriculture de conservation. L’article sur la conservation du sol et de l’eau du numéro 2 du bulletin East Africa Notes d’ECHO (EAN) décrit la technique de creusage de fossés. On peut télécharger le document à www.echocommunity.org/?EastAfricaPubs
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Lorsque l’on a demandé à Laura Meitzner Yoder d’expliquer ce qui peut être fait à l’avance pour réduire au minimum les dommages causés par une catastrophe, elle a répondu : « Les petits paysans qui essaient de composer avec les désastres naturels et de prévenir leurs effets [dans les zones susceptibles aux catastrophes] adoptent beaucoup des principes couramment utilisés pour assurer la sécurité alimentaire en général, par exemple la biodiversité des cultures. » Elle a ajouté les suggestions spécifiques suivantes pour les zones de désastre :
Promouvoir la culture des tubercules et des plantes racines. « Les plantes racines et les tubercules sont souvent encore accessibles lorsqu’une tempête détruit le maïs ou le riz. Ce n’est pas par hasard que les plantes racines sont la principale source d’amidon de nombreuses îles du Pacifique. » [Note de la rédaction : Voir http://cipotato. org/publications/annual_reports/1998/02 pour en savoir plus sur le travail du Centre international de la pomme de terre en Amérique latine et en Afrique de l’Est.]
Les arbres sont importants! « De nombreux cocotiers ont résisté sans dommages au tsunami massif de l’océan Indien de décembre 2004 et ont par la suite été une source d’eau (de noix de coco) d’urgence et fourni un aliment riche en calories immédiatement après la catastrophe. »
« Tous les types d’arbre, y compris les palmiers et les arbres fruitiers, peuvent fournir des sources d’aliments de rechange à court terme lorsque les cultures annuelles sont détruites. Beaucoup de gens peuvent aussi survivre à une inondation ou à une tempête en s’accrochant à un arbre. »
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Rhoda Beutler nous a aussi fait part d’idées d’actions que l’on peut prendre au sein d’une communauté qui accroissent la résilience si une catastrophe se produit.
Développer la confiance et la capacité locale au sein de la communauté. « Plus les liens seront forts et plus les gens de la communauté auront confiance en leurs capacités et talents, plus ils seront capables d’agir pour aider les autres dans une situation d’urgence. »
Faites connaissance avec les autorités locales. « Si c’est possible, travaillez à l’avance avec les autorités locales pour leur parler des risques qui menacent la communauté et de votre collaboration éventuelle en cas de catastrophe. »
Considérez des façons de réduire les risques à l’avance. « Les mesures de réduction des risques peuvent inclure l’encouragement de la communauté à s’éloigner des lieux vulnérables (ravins, littoraux, collines exposées); faire accepter des normes par la communauté (par ex. les normes de construction); faire connaître les plans d’évacuation et de refuge; ou avoir des réunions régulières des membres de la communauté qui se préoccupent du bien-être de la population locale. »
Amassez des provisions. « Dans la mesure du possible, amassez des provisions à l’avance et faites en sorte que des outils, du matériel et toutes les provisions alimentaires ou médicales existantes soient facilement accessibles. »
II. Après une catastrophe : Appuyer les secours d’urgence
Bien souvent, les gens qui travaillent déjà dans un pays sont très bien placés pour appuyer les secours d’urgence lorsque survient une catastrophe. S’inspirant d’expériences à la suite du tremblement de terre de 2010 en Haïti, Rhoda Beutler a décrit plusieurs façons dont les coopérants travaillant dans le pays peuvent intervenir et appuyer l’aide humanitaire après une catastrophe :
Sauvetage, évacuation et enterrement. « Le fait de connaître le terrain peut aider les secouristes à trouver les victimes et les survivants rapidement et faciliter la coordination avec leurs proches. »
Soins médicaux d’urgence. « Les installations et les provisions médicales disponibles sur place peuvent être rapidement mobilisées pour répondre aux besoins d’urgence. »
Communications et transport. « Lorsque survient une catastrophe, les véhicules en bon état, l’Internet et les équipements de communication par radio sont très précieux. »
Appui donné aux organisations de secours dans leur recherche d’eau, d’aliments, d’équipements sanitaires et d’abris temporaires. « Il y a quelques années, à l’occasion d’une conférence d’ECHO, Bruce Robinson a parlé d’un rôle que les missionnaires [ainsi que les spécialistes en développement] à long terme peuvent jouer, soit celui de “pointer les gros canons.” Bien qu’ils ne disposent pas des ressources pour accomplir tout ce qu’une organisation plus grande ou un expert peut faire, les spécialistes à long terme peuvent orienter les efforts de manière à ce qu’ils soient plus efficaces. Ce travail peut être délicat parce que les [grandes] organisations d’aide humanitaire sont parfois submergées d’idées bonnes et mauvaises et font peut-être plus confiance à leurs propres experts internes qu’à une personne sur le terrain, mais on peut développer des relations avec un peu de temps et de patience. Les spécialistes à long terme devraient se familiariser avec le manuel du projet SPHÈRE (www.spherehandbook.org/fr/), qui établit des normes minimales en matière d’action humanitaire. Si une organisation locale établie veut gérer des fonds d’urgence, elle doit suivre ces lignes directrices. »
« Après le tremblement de terre en Haïti, il y a eu un véritable déluge d’aide; beaucoup de catastrophes attirent moins l’attention et dans ce cas, les communautés ont moins de ressources à gérer. »
Réalisation d’une évaluation des besoins de la communauté. « Un spécialiste du développement à long terme qui comprend déjà la géographie, la dynamique locale et les vulnérabilités d’une région a une bonne longueur d’avance sur quelqu’un qui vient juste d’arriver dans la région. À Bohoc, Haïti, les membres d’un comité local, les membres d’une église et de jeunes dirigeants se sont portés volontaires pour faire une évaluation des besoins; ils ont visité chaque maison et établi un registre des personnes qui y vivaient et de leurs besoins. »
Mobilisation de la communauté dans la distribution de l’aide. « Un spécialiste du développement à long terme qui fait partie des réseaux de confiance d’une communauté peut aider à habiliter les bénévoles du milieu pour qu’ils participent à la distribution de l’aide pour qu’elle soit efficace. Cette participation peut démultiplier les effets de vos efforts. »
Argent liquide disponible sur place. « Lorsque les infrastructures et les systèmes bancaires et de paiement électronique ne fonctionnent pas, la quantité d’argent liquide dont dispose une organisation devient cruciale, tant pour les activités quotidiennes que pour les activités de secours et d’aide. »
Perspective à long terme. « Tout en apportant les secours, pensez aux effets à long terme de vos actions. »
III. Au-delà des secours
Les secours et le développement sont deux types d’activité distincts et différents. Les secours constituent une réponse à une catastrophe axée sur la satisfaction rapide et efficace des besoins de base de la population. Les programmes de développement visent des changements durables qui réduisent la dépendance des intrants externes. Si les efforts de secours s’éternisent, ils peuvent nuire au développement. Par exemple, après le tremblement de terre en Haïti, de la nourriture gratuite a été distribuée massivement pendant une période assez longue. En conséquence, les paysans ne pouvaient plus vendre leurs produits avec profit. Les secours sont nécessaires après une catastrophe, mais par la suite, il faut concentrer les efforts sur le développement (de préférence dès que possible). Pour plus de détails sur la distinction entre les secours et le développement, on peut lire When Helping Hurts : How to Alleviate Poverty without Hurting the Poor… and Yourself, un livre de Steve Corbett et de Brian Fikkert.
Dans ce sens, quels points importants doit-on surveiller après une catastrophe? Quelles mesures faut-il prendre dès que possible pour aider la population à commencer à reconstruire?
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Contamination saline. Nous avons demandé à R. Darrell Smith son avis à propos des interventions en agriculture très pertinentes aux Philippines qui pourraient aussi être utiles dans beaucoup d’autres régions. Darrell a commenté : « Je n’ai pas vu de données précises sur l’ampleur des inondations causées par les vagues déferlantes aux Philippines, mais lorsque j’ai travaillé en Indonésie après le tsunami de 2004, j’ai pu prélever des échantillons de sol pour en analyser la contamination par le sel. Je n’ai pas observé de corrélation entre la distance du littoral et la quantité de sel accumulée dans le sol, mais j’ai trouvé des concentrations de sel importantes dans quelques zones. Par ailleurs, comme je n’avais pas de données sur les concentrations de sel dans le sol avant le tsunami, je ne peux tenir compte des pratiques agricoles nuisibles qui auraient pu être à l’origine des niveaux de sel élevés (par ex., une irrigation incorrecte). »
« En certains endroits, les niveaux de sel étaient trop élevés pour certaines variétés de riz couramment cultivées dans la zone. Par contre, étant donné que la quantité de pluie est élevée dans cette région, on est en droit de s’attendre à ce que les niveaux de sel diminuent avec le temps par lixiviation (cela pourrait prendre plusieurs années selon la concentration du sel). Une autre solution consisterait à utiliser des variétés ayant une tolérance au sel plus élevée, si elles sont disponibles. Je recommande que les spécialistes en agriculture examinent les niveaux de sel dans les zones touchées pour prévoir s’il y a un risque de mauvaise récolte de riz. »
Rick Burnette, directeur de l’agriculture d’ECHO et ancien directeur d’ECHO Asie, a ajouté : « Les observations de Darrell sont semblables à celles qui ont été rapportées dans le delta du fleuve Irrawaddy en Myanmar après le cyclone Nargis. »
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Laura Meitzner Yoder a partagé plusieurs idées pour surmonter la situation après une catastrophe :
Replantez. Surtout des arbres! « N’attendez pas pour replanter des arbres, car ils sont une source importante d’aliments et sont aussi importants pour l’ombre, les lieux de rencontre de la communauté et la beauté dans les régions où les zones arborées ont été détruites. Après le tsunami de 2004, les gens ont rapidement recréé des aires pour s’asseoir avec des bancs sous n’importe quel arbre à croissance rapide disponible dans le nouveau paysage dénudé — notamment l’arbre à fraises [Muntingia calabura] durant les premiers mois. » [ECHO offre des sachets d’essai de graines Muntingia calabura; nous offrons également des semences d’autres arbres à croissance rapide comme la papaye (Carica papaya) et le moringa (Moringa oleifera). Pour en savoir plus sur l’arbre à fraises, veuillez consulter la page 8 du numéro 80 d’EDN lequel est accessible à : http://tinyurl.com/echo-edn-strawberry-tree (en anglais seulement)]
Cherchez des denrées locales. « Lorsque la zone de la catastrophe est circonscrite, il se peut que des provisions d’aliments soient disponibles tout près de la zone touchée. Il devient alors utile d’envisager de réparer les ponts détruits et d’autres infrastructures requises pour transporter ces provisions disponibles dans les zones limitrophes à la zone en situation d’urgence. »
Révisez les infrastructures liées à l’agriculture. « Aidez les gens à s’organiser pour dégager les fossés d’irrigation de manière à permettre aux paysans de redémarrer leurs activités agricoles le plus tôt possible. »
Soyez à l’affût d’avantages imprévus. « Parfois, les tempêtes et les inondations déposent des nutriments supplémentaires dans les champs, de sorte que les récoltes sont exceptionnelles dans le cycle de culture qui suit immédiatement la catastrophe. »
Documentez les réponses et les expériences. « Si vous travaillez avec des étudiants locaux, faites participer vos classes à la collecte de données sur les expériences des paysans et leurs réponses agronomiques à la catastrophe. Aidez-les à rédiger leurs rapports et à trouver des façons de les diffuser localement pour que les gens puissent apprendre de leurs expériences respectives et adopter des idées pour l’avenir. »
Équipez les églises locales pour qu’elles puissent aider. « Le nouveau Humanitarian Disaster Institute de Wheaton College (HDI; http://www.wheaton.edu/HDI) s’est donné comme objectif de préparer les églises à répondre aux catastrophes dans leurs régions. Le site Web de l’HDI contient une multitude de ressources utiles. »
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Robin Denney, qui a travaillé dans des contextes de postconflit, a des suggestions sur où commencer la reconstruction après les premiers secours d’urgence à la suite d’une catastrophe. Dans les catastrophes naturelles et les conflits, les communautés subissent d’importants bouleversements, traumatismes et parfois déplacements.
Accès à la terre. « L’accès à la terre est un problème majeur. Il arrive souvent que les populations soient déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Les populations déplacées internes au Soudan du Sud voyageaient souvent très loin de leurs foyers avant de s’installer. Elles s’installaient parfois dans des camps, mais souvent elles étaient accueillies dans une communauté où elles étaient dispersées parmi les résidences des voisins. J’ai observé ce phénomène partout dans l’État d’Équatoria occidental au Soudan du Sud, et ce, de manière plus massive dans la ville de Maridi, où 10 000 déplacés internes étaient dispersés parmi les résidences des hôtes locaux. Dans la plupart des villages ruraux, les gens ont environ un acre de terre (0,4 hectare) autour de leur maison et des lopins de terre un peu plus loin sur lesquels elles pratiquent l’agriculture. Comme les nouveaux venus étaient dispersés partout dans la communauté, ils ont fait connaissance avec leurs voisins, lesquels pouvaient partager des ressources et des informations sur les particularités de l’endroit, par exemple sur le microclimat et les ravageurs locaux. Si les nouveaux venus s’étaient établis en périphérie du village, les villageois auraient probablement perdu une partie de leurs terres et les déplacés n’auraient pas joui de l’appui de la population locale. Ils auraient été considérés des étrangers et auraient ressenti plus de désespoir et de dépendance. Lorsqu’ils étaient un peu plus dispersés, ils se sentaient plutôt comme des invités de la communauté. »
Un porte-parole communautaire en agriculture. « Le camp de réfugiés des Nations Unies de Yida, dans l’État d’Unity, au Soudan du Sud, accueille des réfugiés du conflit au Soudan. Au début, comme il n’y avait pas de soutien pour l’agriculture, la population s’est organisée elle-même. La personne qu’elle a élue responsable du développement agricole était la plus expérimentée et maîtrisait plusieurs techniques. Elle lui a demandé d’être le représentant du camp en matière d’agriculture. Il parlait des besoins aux travailleurs humanitaires qui venaient au camp. Il a aussi formé des gens dans le camp et établi un lopin de démonstration de techniques agricoles à côté de son abri. Les gens ont aussi mis sur pied un comité de direction informel du camp formé d’aînés; ce comité n’était pas officiellement reconnu par les directeurs du camp des Nations Unies, mais constituait un système organisationnel autonome. La communauté avait ainsi une voix pour la représenter, ce qui a amélioré la communication entre les réfugiés, les Nations Unies et les autres organisations qui travaillaient dans le camp. Le groupe d’aînés a pu encourager les gens à travailler la terre plus fertile en périphérie du camp afin d’essayer de faire pousser plus de cultures vivrières. »
Plantez des cultures qui produisent rapidement. « Après une catastrophe, il faut des cultures nutritives qui produisent rapidement et de la formation sur l’utilisation de ces cultures que les gens ne connaissent probablement pas bien. Les légumes, notamment les légumes verts, sont des bonnes cultures à croissance rapide à promouvoir parce que dans les périodes de disette, lorsque les cultures vivrières préférées ont été épuisées, les gens sont habitués à récolter des feuilles et des plantes de la forêt. Je pense que lorsque les gens sont déplacés, ils sont plus ouverts à faire les choses différemment et à essayer de nouvelles cultures parce qu’ils comprennent que le microclimat est différent de l’endroit d’où ils viennent. La formation pourrait être centrée sur la production et la préparation de variétés de légumes à croissance rapide qui sont adaptées au microclimat et peuvent remplir le reste du plat. »
La chaya est une bonne plante à croissance rapide à promouvoir. Robin ajoute : « J’ai vraiment essayé de promouvoir la chaya au Soudan du Sud. C’est une plante facile à planter et maintenir, qui croît rapidement et produit de la nourriture l’année durant. Il n’y a aucun besoin de conserver des semences et de replanter. Dans la pratique, avec la préparation du dîner et notre horaire de travail chargé, j’ai trouvé que la chaya était si facile à préparer que nous en mangions au moins une fois par semaine. Chaque fois que je récoltais une branche pour préparer un repas, je replantais les boutures autour de la maison et très rapidement, ma maison était entourée de chaya. Je ne pouvais pas toute la manger. Les gens me demandaient : “Que plantez-vous?” et je leur expliquais qu’il s’agit d’une plante comestible. Sa cuisson est rapide et elle est rassasiante. » [Note : la chaya semble souvent être facilement acceptée notamment lorsque les gens sont habitués à manger des feuilles de cassave.]
Horticulture hors-sol. « Si vous faites pousser des plantes près de la maison, vous pouvez facilement les récolter et ajouter à votre repas. L’horticulture hors-sol peut être pratiquée en réutilisant le matériel d’emballage dans lequel les provisions de secours ont été expédiées. » [Bien souvent, ces emballages sont déjà réutilisés de manière créative. Par exemple, Robin a mentionné que les boîtes d’huile de cuisson sont souvent transformées en chaudrons, petites voitures et matériel de toiture. Pour en savoir plus sur l’horticulture hors-sol, voir la note technique d’ECHO à : http://c.ymcdn.com/sites/www.echocommunity.org/resource/collection/C359D431-C978-4DB4-A1CB-4731BAE40B50/RooftopUrbanGardening2010F.pdf].
Semences locales. « J’ai demandé aux gens de Yida ce qu’ils cultivaient et quels étaient leurs besoins. Leur principale préoccupation était qu’ils n’avaient pas de semences adaptées au microclimat local. Le camp de réfugiés se trouvait à seulement 20 km de la zone qu’ils avaient fuie, mais le microclimat était assez différent et leurs semences ne réagissaient pas comme prévu. Ils avaient une liste de plusieurs variétés dont ils avaient entendu parler et qu’ils voulaient essayer. »
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Encouragez les systèmes de semences locaux. Le CIAT, Centre international d’agriculture tropicale, est partenaire de plusieurs organisations humanitaires et de développement dans la promotion d’un programme appelé Seed Systems Under Stress [Les systèmes semenciers soumis au stress]. Le site Web de cette organisation affirme : « Bien que les spécialistes du travail humanitaire d’urgence soient compétents dans la prestation rapide d’aide alimentaire à court terme, il arrive souvent qu’ils ne comprennent pas la complexité technique du contexte agricole. Même si l’aide en semences a commencé au début des années 1990, l’efficacité à long terme de telles activités reste décevante. Beaucoup de pays continuent de recevoir année après année de l’aide alimentaire et de l’aide en semences. »
« Puisque leurs diagnostics sont basés sur l’évaluation de la disponibilité des aliments, en général, les spécialistes en aide humanitaire ne connaissent pas ou ne comprennent pas pleinement les situations de stress dans le domaine agricole. Par exemple, ils présument souvent que les systèmes semenciers des paysans se sont écroulés ou étaient déjà inadéquats avant la catastrophe. Pourtant, les résultats sur le terrain montrent que les systèmes semenciers sont habituellement résilients. Par exemple, au Rwanda, même après la guerre génocidaire, les marchés de semences locaux continuaient de fonctionner et les profils de diversité des cultures sont demeurés stables. »
« Même les instituts de recherche ont tendance à considérer les catastrophes comme des occasions d’exposer les paysans à des variétés “améliorées” de cultures courantes ou à des cultures de rechange. Toutefois, l’expérience montre que la résilience des systèmes, et pas seulement la productivité sont cruciales pour le rétablissement de l’agriculture et le maintien de la sécurité alimentaire des ménages après une catastrophe. Il faut souvent appliquer de multiples stratégies — qui renforcent les systèmes locaux et introduisent des innovations. »
Pour mieux connaître les stratégies mises de l’avant par le programme Seed Systems Under Stress, voir http://ciat.cgiar.org/seed-systems-under-stress, lequel contient les adresses de plusieurs documents en français.
Lorsque les variétés de semences locales sont perdues ou détruites à la suite d’une catastrophe, les semences des centres du CGIAR sont utilisées pour aider à reconstruire les systèmes agricoles (www.cgiar.org/consortium-news/seed-banks-great-and-small/).
Pouvez-vous nous aider?
Nous savons que le présent article ne fait qu’effleurer la question de la préparation et de la réponse aux catastrophes. Si vous désirez partager d’autres idées à ce sujet, ce sera un plaisir pour nous de recevoir votre correspondance! Communiquez avec nous à echo@echonet.org.
Références
Beutler, Rhoda. Communication personnelle.
CIAT, Seed Systems Under Stress. http://ciat.cgiar.org/seed-systems-under-stress
Denney, Robin. Communication personnelle.
Humanitarian Disaster Institute (HDI). www.wheaton.edu/HDI
Meitzner Yoder, Laura. Communication personnelle.
Simpson, B.M. et G. Burpee. 2012. « Agriculture Extension and Advisory Services under the New Normal of Climate Change ». Présentation à un événement d’Agrilinks. http://agrilinks.org/sites/ default/files/resource/files/FTF-ASC%20 Feb%2020_In-PersonFINAL_0.pdf
Citer comme suit:
Berkelaar, D. 2014. Stratégies de préparation et de réponse aux catastrophes. Notes de développement de ECHO no 122