Introduction
La conservation des semences est un outil efficace pour promouvoir l’agro-biodiversité. La conservation des semences permet également d’accroître la culture d’espèces végétales locales mieux adaptées à des zones spécifiques, d’améliorer la variabilité génétique des espèces pollinisées et de préserver la sécurité alimentaire. La conservation des semences permet aux agriculteurs d’économiser de l’argent et d’améliorer leurs chances d’accroître le rendement de leurs cultures (Montúfar et Ayala, 2019).
Comment sécher les semences
Le séchage des semences est l’étape la plus vitale du processus de conservation des semences. La rapidité et l’efficacité avec lesquelles les semences sont séchées influent sur les taux de germination et la viabilité des semences (Harrington, 1959 ; Saipari et al., 1998). La plupart des pratiques de conservation des semences ne sont pas nouvelles (Weisdorf, 2005 ; Blakemore, 2019). Les options de conservation des semences ont évolué au fil de siècles d’essais et d’erreurs, de connaissances endogènes et de progrès dans les technologies agricoles (Matsa et Mukoni, 2013 ; Shaila et Begum, 2021).
Les méthodes de séchage des semences comprennent la suspension des semences aux arbres, le séchage solaire, le séchage par dessiccation, les séchoirs locaux simples, le séchage des semences sur des bâches, les tables de séchage et l’utilisation de cendres de bois (Chua et Chou, 2003). Ces pratiques varient en fonction de la culture, du climat et de la variété cultivée. Par exemple, au Ghana, les semences de maïs (Zea mays) sont cueillies au début de la récolte en fonction de leur couleur et de leur taille, puis séchées sur l’épi près de fourneaux dans des sacs tissés afin de réduire les problèmes de parasites. Au Malawi, les femmes cueillent les semences sur l’épi tout au long de la saison de récolte, en fonction de la taille du maïs. Les semences sont placées près du fourneau mais peuvent également être suspendues aux arbres (Wright et Tyler, 1994).
Le riz comme déshydratant
Nous savons depuis des siècles que le riz absorbe l’eau à haute température. En fait, nous utilisons tous ce principe lorsque nous cuisinons du riz. Cependant, l’utilisation du riz comme déshydratant suscite un intérêt croissant. Une étude s’est focalisée sur l’utilisation du riz pour assécher les appareils auditifs (Nelson et al., 2017).
Sadik et White (1982) ont réalisé des expériences sur l’utilisation du riz comme déshydratant pour sécher des semences en vue d’un stockage à long terme. Ils ont constaté que 30 à 40 g de riz grillé (avec < 1 % d’humidité) séchaient 20 g de véritables semences de pomme de terre de 11,5 % d’humidité à 4 à 5 % d’humidité. Ils ont également constaté que le riz grillé avait une plus grande capacité de séchage que les grains de blé, de maïs ou de soja grillés.
Il y a donc dans la littérature des arguments en faveur de l’utilisation du riz pour sécher les graines. Nous voulions déterminer si le riz est un déshydratant approprié pour sécher des semences de niébé (Vigna unguiculata) fraîchement récoltées, et s’il est possible de sécher des semences de niébé avec du riz réchauffé qui a déjà été utilisé comme déshydratant.
Essais effectués par ECHO avec du riz séché au four
Est-il possible de déshydrater du riz dans un four ?
Nous avons utilisé du riz blanc à grains longs acheté en magasin. Le riz n’a pas été lavé. L’expérience antérieure de ECHO et les travaux de Sadik et White (1982) indiquent que la capacité de séchage du riz est améliorée par un préchauffage, afin d’éliminer l’humidité existante dans le grain avant de l’utiliser comme déshydratant. Dans notre étude, nous avons chauffé le riz dans une étuve pendant une heure et une heure et demie à 135°C. Le riz a montré un changement d’apparence visible, en prenant une couleur dorée claire qui était beaucoup plus visible après 1h30mn.
Nous avons testé la teneur en eau du riz avant et après le chauffage à l’aide de l’appareil illustré à la figure 9. Le taux d’humidité initial du riz était supérieur à 24 % (figure 10). Le processus de chauffage a éliminé une quantité importante d’humidité du riz, le séchant à 2,4 % d’humidité après 1 heure de chauffage.
Le riz séché au four peut-il éliminer l’humidité de graines de niébé fraîchement récoltés?
Nous avons placé le riz séché au four au fond de bocaux en verre (volume de 500 ml). Nous avons humidifié des graines de niébé dans des sacs Ziplock® avec de l’eau pour obtenir un taux d’humidité initial de 12 %, simulant un niveau d’humidité qui peut être présent lors de la récolte. Ensuite, nous avons placé les graines de niébé réhydratées dans un tissu à mailles directement au-dessus du riz (dans un rapport 2:1 [60 g de riz séché au four:30 g de graines de niébé]), comme le montre la figure 11. Nous avons prélevé des échantillons de graines de niébé à chacun des deux moments d’échantillonnage, 5 et 24 heures, pour mesurer l’humidité des graines de niébé. Ceci a été fait pour du riz qui avait été séché au four à 135°C pendant 1 heure et 1h30mn. Les résultats étaient comparables pour les deux temps de séchage. Les figures 12 et 13 montrent les données obtenues avec du riz séché au four pendant 1 heure.
Après 5 heures, le riz séché au four (pendant 1 heure à 135°C) a réduit la teneur en eau des graines de niébé de 12% à 10,68%, soit une baisse de 1,32% de l’humidité (Figure 12). Après 24 heures, l’humidité du niébé est tombée à 9,46%. Ainsi, le riz a réduit la teneur en eau des graines de niébé de plus de 2,5 % en 24 heures.
Le riz séché au four peut-il être réutilisé comme déshydratant ?
Nous avons récupéré le riz dans chacun des pots en verre et nous l’avons réchauffé dans le four à 135°C pendant 30 minutes. Nous avons surveillé de près le riz pour nous assurer qu’il ne brûlait pas. Le processus de réchauffage a permis de réduire la teneur en eau du riz à environ 0,55 %. Nous avons replacé le riz réchauffé dans des bocaux en verre avec une nouvelle série de graines de niébé pendant 24 heures. La teneur en eau initiale des graines de niébé fraîches était de 11,8 %. Après avoir retiré le riz des bocaux, les résultats présentés dans la figure 13 suggèrent que le riz peut être réchauffé et continuer à agir comme un dessiccateur pour sécher les graines.
Nous avons observé quelque chose d’intéressant à partir du riz initialement séché pendant 1h30mn (données non montrées). La quantité d’humidité retirée des graines de niébé était inférieure de 0,54% avec la réutilisation du riz initialement chauffé (à 135°C) pendant 1h30mn plutôt que pendant 1 heure. Il est possible que le temps de chauffage supplémentaire ait rendu le riz plus cassant et moins capable d’absorber l’humidité. Les résultats suggèrent que le chauffage devrait être effectué de manière à minimiser le noircissement (indiquant une brûlure potentielle) du riz pendant le chauffage. Cela pourrait être confirmé par des recherches supplémentaires.
Conclusion
L’étude suggère qu’une heure de chauffage suffit pour faire du riz un dessiccateur efficace pour le séchage de semences.
Le riz préchauffé, à la fois neuf et utilisé, s’est avéré capable de sécher les graines de niébé à un taux d’humidité inférieur à 10% (une bonne valeur pour le stockage à long terme des graines) ; ceci s’est produit en 24 heures dans cette étude avec un taux d’humidité initial du niébé d’environ 12%. Des temps de séchage plus longs peuvent être nécessaires pour les graines nouvellement récoltées qui ont un taux d’humidité plus élevé. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si le riz peut être réutilisé plus d’une fois. Voir un article de la note de développement de ECHO intitulé “Mes semences sont-elles assez sèches [http://edn.link/salttest]?” (Reader et Motis, 2017) pour obtenir des informations sur les moyens de déterminer l’humidité des semences même si vous n’avez pas d’humidimètre. Faites-nous part de votre expérience de l’utilisation du riz comme déshydratant.
Références
Blakemore, E. 2019. What was the Neolithic revolution [Que fut la révolution néolithique?]. National Geographic, 5.
Chua, K. J. et S.K. Chou. 2003. Low-cost drying methods for developing countries [Méthodes de séchage peu coûteuses pour les pays en développement]. Trends in Food Science & Technology, 14(12), 519-528.
Harrington, J. F. 1959. Drying, storage, and packaging seed to maintain germination and vigor [Séchage, stockage et conditionnement des semences pour maintenir la germination et la vigueur]. Seed Technology Papers. 44.
Matsa, W. et M. Mukoni. 2013. Traditional science of seed and crop yield preservation: exploring the contributions of women to indigenous knowledge systems in Zimbabwe [Science traditionnelle de la préservation des semences et du rendement des cultures : exploration des contributions des femmes aux systèmes de connaissances indigènes au Zimbabwe]. International Journal of Humanities and Social Sciences. 3(4)
Montúfar, R. et M. Ayala. 2019. Perceptions of agrodiversity and seed-saving practices in the northern Andes of Ecuador [Perceptions de l’agro-diversité et des pratiques de conservation des semences dans les Andes septentrionales de l’Équateur]. Journal of ethnobiology and ethnomedicine, 15(1), 1-25.
Nelson, L. H., K.R. White, D.V. Baker, A. Hayden, et S. Bird. 2017. The effectiveness of commercial desiccants and uncooked rice in removing moisture from hearing aids [L’efficacité des déshydratants commerciaux et du riz non cuit pour éliminer l’humidité des appareils auditifs]. International Journal of Audiology, 56(4), 226-232.
Reader, S., et T. Motis. 2017. Mes semences sont-elles assez sèches? Notes de développement de ECHO no. 136.
Saipari, E., A.M. Goswami, et M. Dadlani. 1998. Effect of seed drying on germination behavior in citrus [Effet du séchage des semences sur le comportement germinatif des agrumes]. Scientia Horticulturae, 73(2-3), 185-190.
Sadik, S. et J.W. White. 1982. True potato seed drying over rice [Séchage de semences de pommes de terre véritables sur du riz]. Potato Research, 25, 269-272.
Shaila, M. et N. Begum. 2021. Ancient farming methods of seed storage and pest management practices in India—A Review [Méthodes agricoles anciennes de stockage des semences et pratiques de lutte contre les ravageurs en Inde - Une étude]. Plant Arch, 21, 499-509.
Weisdorf, J. L. 2005. From foraging to farming explaining the Neolithic Revolution [De la recherche de nourriture à l’agriculture : explication de la révolution néolithique]. Journal of Economic surveys, 19(4), 561-586.
Wright, M. et P. Tyler. 1994. Traditional seed-saving practices in northern Ghana and central Malawi [Pratiques traditionnelles de conservation des semences dans le nord du Ghana et le centre du Malawi]. Chatham: Natural Resources Institute.
Autres ressources recommandées:
Bicksler, A. 2014. The importance and biology of seed saving [L’importance et la biologie de la conservation des semences]. Un exposé présenté lors de l’atelier 2014 de ECHO en Asie sur les banques de semences. http://edn.link/d24w4p
Personnel de ECHO. 2016. Conservation des semences dans les régions tropicales. ECHO Pratiques Exemplaires no. 5. http://edn.link/bpn5
Motis, T. 2010. Seed Saving Steps and Technologies [Stockage des semences dans les tropiques]. Les Notes Techniques de ECHO no. 63. http://edn.link/tn63
Thompson, K. 2016. Seed saving in the tropics: Lessons learned from the network [La conservation des semences sous les tropiques: Leçons tirées du réseau]. ECHO Asia Note no. 28. http://edn.link/49fyja