Angela Boss et Stephan Lutz, tous deux travaillant avec World Renew, sont intervenus lors de la Conférence internationale sur l'agriculture de ECHO en novembre 2015 sur l'agriculture de conservation (AC). L'AC est une approche écologique et économique à l'agriculture dans laquelle les sols sont maintenus grâce à l'application de trois grands principes: 1) le travail minimum du sol, 2) la couverture organique permanente du sol; et 3) la diversification des espèces cultivées.
Angela et Stephan ont souligné la différence entre les principes de l'AC (le «pourquoi») et les pratiques (le «comment»). L'AC ne comprend pas un ensemble prescrit de pratiques; plutôt, l'expérimentation et l'adaptation sont encouragées. Certaines pratiques pour les petits agriculteurs qui sont conformes aux principes de l'agriculture de conservation comprennent: 1) la culture dans des bassins et / ou sur des crêtes permanentes; 2) le paillage du sol avec des résidus de récolte et / ou des engrais verts / cultures de couverture (ev / cc), et 3) la plantation intercalaire et / ou la rotation des cultures. L’agriculture de conservation peut même inclure l'utilisation judicieuse d'herbicides et d'engrais et l'utilisation d'outils appropriés.
Le système appelé Fondements pour l’Agriculture (FPA) ou l’Agriculture à la manière de Dieu (AMD) présente des pratiques très spécifiques pour respecter les principes de l'AC et inclut l'utilisation de stations de plantation permanentes. Parfois, ce système peut être un bon point de départ pour les petits agriculteurs. Cependant, ce n'est pas toujours le cas. Angela et Stephan ont partagé plusieurs situations dans lesquelles l'introduction de l’AC a été particulièrement difficile, pour diverses raisons.
Zambie orientale
Avec les FPA en tant que modèle, l’AC a été introduite dans une région de la Zambie orientale caractérisée par de faibles précipitations, des sols pauvres et une sécheresse récurrente. L'adoption du système était médiocre, les agriculteurs n'ayant généralement pas plus d'un quart d'acre (1/10 d'hectare) de terres plantées en recourant aux FPA.
Angela a laissé entendre que la faible adoption pourrait avoir été en partie due à l'approche initiale de «tout ou rien». D'autres contraintes comprenaient un approvisionnement limité en fumier, le manque de paillis, et une forte exigence de travail sous forme de binage / désherbage, en particulier pour les femmes.
Les facteurs qui ont contribué à stimuler l'adoption ont été l'augmentation du rendement et de l'humidité du sol; la disponibilité des technologies de l’AC (par exemple, la houe chakka, une houe relativement large et lourde conçue par les agriculteurs pour creuser des bassins de plantation ; il y a également le rippeur de Magoye, utilisé pour le travail minimum du sol et utile pour briser la dure semelle de labourage); un environnement politique favorable; et une forte promotion par plusieurs organisations.
Mozambique - Province de Niassa
La province de Niassa au Mozambique a de bonnes pluies, mais une mauvaise fertilité des sols. L’AC y a été introduite (à travers les FPA), mais avec un espacement / une densité peu convenable. En conséquence, les bassins ont été inondés. La région a une forte tradition de buttage et de culture intercalaire. Les gens craignent que le paillis n'attire les termites.
Angela encourage les promoteurs de changement à mettre l’accent sur le « pourquoi » plutôt que sur le « comment » quand il s'agit de l’AC. Dans la province de Niassa, des groupes d'agriculteurs conçoivent et expérimentent des parcelles de 10 m X 10 m ou 20 m X 20 m (par exemple une parcelle avec des méthodes traditionnelles, une utilisant l’AC avec des semences traditionnelles et une autre utilisant l’AC avec des semences améliorées, voir la figure 5). Ils s'appuient sur des systèmes traditionnels et comprennent un travail minimum du sol.
Kenya
Au Kenya, l'insécurité alimentaire chronique a entraîné une dépendance croissante de l'aide alimentaire. Les incidences de sécheresse et d’inondations se produisent avec une fréquence croissante, et 93% des terres sont dégradées (selon un rapport de la FAO).
World Renew travaille en partenariat avec les Services de développement anglican (ADS), l’organisme de secours et de développement affilié à l'Église anglicane du Kenya. World Renew travaille également à travers des agriculteurs champions.
Pour un changement durable, Stephan a déclaré qu’il faut autonomiser la communauté, créer un environnement dans lequel les agriculteurs peuvent engranger des réussites avec l’AC. Il a décrit les caractéristiques d'une communauté autonomisée dans laquelle les membres:
- Discutent de leurs problèmes sans crainte
- Mettent en œuvre ce qu'ils ont appris
- Identifient, mobilisent et utilisent leurs ressources locales dans toute leur étendue
- S'organisent et travaillent ensemble pour réaliser leurs propres plans communautaires
- S'expriment avec confiance contre les injustices auxquelles ils font face
- Se sentent mutuellement responsables tout autant que les parties prenantes
L'évaluation rurale participative est un outil important utilisé au sein des communautés au Kenya pour identifier les plantes cultivées et les classer selon leur utilisation, leur rendement, leur goût, leur commercialisation et d'autres critères que la communauté a identifiés. Dans les zones où l’AC est utilisée au Kenya, elle se traduit souvent par une meilleure production et une culture vivrière plus commercialisable, ce qui se traduit généralement par un revenu plus important.
Quelques principes supplémentaires
Un document de la Canadian Foodgrains Bank, « Principles to Guide Conservation Agriculture Programming [Principes pour guider la programmation de l'agriculture de conservation],» partage des principes qui comprennent les aspects agronomiques de l’AC, mais sans s'y limiter. Les principes comprennent les points suivants:
- Reconnaitre que l’AC marche mieux dans certains contextes que dans d'autres
- Adapter l'AC au contexte local
- S’investir dans le développement d'une bonne conception de projet
- S’investir dans la sélection des participants au projet
- Accorder une attention aux questions de genre
- Mettre l'accent sur une bonne dotation en personnel
- Mettre en place des stratégies efficaces de vulgarisation et de promotion
- Utiliser judicieusement les intrants
Conclusion
L’AC a beaucoup à offrir. Dans les zones où elle est mise en œuvre, les cultures des agriculteurs sont plus susceptibles de produire une récolte, avec des améliorations à la fois de la quantité et de la qualité des rendements. Ces gains de rendement, ainsi que les améliorations apportées au sol, peuvent être réalisés à l'aide de ressources locales, avec des économies en coûts (d'intrants) et en temps (grâce à des réductions dans le labour et le désherbage).
Cependant, les défis sont réels. L'AC exige un changement de comportement. Le paillis peut être extrêmement difficile à trouver, et le soutien technique manque souvent.
Certaines interventions / introductions complètent l'introduction de l’AC. Il s'agit notamment de l'élevage (en particulier de la volaille indigène, de chèvres, de lapins et d’abeilles), de l'eau et de l'irrigation, ainsi que la participation, l’appropriation et l’adoption de la technologie par la communauté. À titre d'exemple de participation communautaire, la figure 6 montre un arbre de décision sur les ev/cc conçu dans un processus participatif au Mozambique pour répondre à des besoins dans un contexte spécifique.
La page Web de l'Université Cornell (CA: Global Research and Resources) résume une approche souple de l'AC comme suit: « Plutôt que d'être une technologie fixe à adopter à la manière d’un schéma-directeur, l'AC devrait être considérée comme un ensemble de principes agricoles solides et pratiques qui peuvent être appliquées individuellement ou ensemble, en fonction de la disponibilité des ressources et d'autres facteurs. Pour cette raison, les agriculteurs sont encouragés à expérimenter les méthodes et à évaluer eux-mêmes les résultats— et non à se contenter «d’adopter» les technologies de l’AC.
Ressources utiles
Designing and implementing conservation agriculture in sub-Saharan Africa: Environment and climate change [Conception et mise en œuvre de l'agriculture de conservation en Afrique subsaharienne: environnement et changement climatique]
- Teaser [Avant-goût] (8 pages)
- How to Do [Comment faire] (24 pages)
- Lessons Learned [Leçons tirées] (24 pages)
Conservation Agriculture: A manual for farmers and extension workers in Africa[Agriculture de conservation: un manuel pour les agriculteurs et les vulgarisateurs en Afrique] (la version intégrale de ce livre est disponible pour achat Amazon)
Principles to Guide Conservation Agriculture Programming
Outils utiles pour l'agriculture de conservation:
- La houe de Chaka, une houe large et lourde, utilisée pour faire des bassins de plantation. Voir la page 18 dans le guide intitulé « Conservation Farming and Conservation Agriculture Handbook for HOE Farmers in Agro-Ecological Regions I & IIa-Flat Culture (Manuel d’agriculture écologique et d’agriculture de conservation pour les agriculteurs utilisant la houe dans les zones agro-écologiques I & Iia-Culture Plate. »
- Le rippeur de Magoye, un outil utilisé pour le travail minimum du sol, aide à percer la semelle dure (semelle de labourage). Voir un article intitulé «The Magoye Ripper: Preliminary Findings on Adoption, Benefits and Constraints [Le rippeur de Magoye: résultats préliminaires sur l'adoption, les avantages et les contraintes]» pour plus de détails sur son utilisation en Zambie.
- Au Mali, un rippeur appelé le Kassine est utilisé pour faciliter le creusage des trous zaï.
Citer comme suit:
Boss, A. and S. Lutz, summarized by ECHO staff 2017. Les succès et les défis des programmes d'agriculture de conservation . Notes de développement de ECHO no 135