La plupart des cultures maraîchères les plus importantes au monde proviennent de la famille des solanacées, notamment la tomate, l’aubergine et les poivrons. Cette famille comprend également une multitude d'espèces moins connues mais localement importantes, telles que la Morelle de Quito (Solanum quitoense), le tamarillo/tomate arbustive (S. betaceum) et le physalis (Physalis peruvianus). Malheureusement, de nombreuses plantes de ce groupe sont infestées de nématodes à galles et d'autres maladies d'origine racinaire (comme la fusariose) qui compliquent considérablement la culture. Cette difficulté est particulièrement prononcée sous les tropiques où les nématodes nuisibles sont prolifiques. Mon article met en évidence une stratégie simple et à faible apport d'intrants pour contourner ce problème qui peut être pertinent pour les petits agriculteurs des régions tropicales et subtropicales.
Le problème des nématodes
Many of the world’s most important vegetable crops originate from the Solanaceae plant family, including tomato, eggplant, and peppers. This family also includes a host of lesser-known but locally important species, such as naranjilla (Solanum quitoense), tamarillo/tree tomato (S. betaceum), and goldenberry (Physalis peruvianus). Unfortunately, many plants in this group are plagued by root-knot nematodes and other root-born diseases (such as fusarium wilt) that greatly complicate cultivation. This difficulty is especially pronounced in the tropics where harmful nematodes are prolific. My article highlights a simple, low-input strategy for working around this problem that may be relevant to smallholder farmers in the tropics and subtropics.
Les nématodes à galles sont un groupe de micro-organismes du genre Meliodogyne. Ils infectent les systèmes racinaires de nombreuses cultures, compromettant la capacité des plantes à déplacer efficacement l'eau et les éléments nutritifs dans leurs systèmes vasculaires. Chez les cultures de solanacées, une infection grave entraîne souvent un flétrissement persistant malgré la grande disponibilité d'eau dans la zone racinaire. Au bout du compte, les nématodes nuisent à la santé de la plante et conduisent à l'effondrement de la culture.
D'énormes efforts sont déployés pour lutter contre ce ravageur sous les tropiques. Dans le livre Of Plants and People, Charles Heiser (1992) rapporte une incroyable déforestation liée à l'infestation des nématodes dans la culture de la Morelle de Quito en Équateur. Les agriculteurs défrichaient de nouvelles parcelles de forêt pour cultiver la Morelle de Quito et y passaient un an ou deux sans infestation de nématodes. Finalement, les nématodes trouvaient leur chemin et faisaient des ravages, incitant les agriculteurs à défricher de nouvelles parcelles de forêt pour leurs activités agricoles. D'autres mesures de lutte contre les nématodes comprennent l'utilisation de produits agrochimiques dangereux et coûteux, la rotation des cultures et la sélection de variétés de cultures résistantes aux nématodes. Pour de nombreux petits agriculteurs tropicaux, ces stratégies peuvent être difficiles à réaliser ou être indésirables pour de nombreuses raisons complexes.
Le greffage comme solution aux nématodes
En agriculture, le greffage est le plus souvent utilisé pour préserver la génétique du greffon (le morceau greffé) pour une qualité, une saisonnalité et d'autres traits. Dans le cas que je décris, le but est d'utiliser les qualités de résistance aux nématodes du porte-greffe (la plante sur laquelle le greffon est greffé). En greffant une culture de solanacée souhaitée sur un porte-greffe approprié, elle peut pousser sans être entravée par les problèmes racinaires susmentionnés (figure 14). Cela se traduit par des plantes à plus longue durée de vie qui sont plus productives, générant plus de nourriture et de revenus pour l'agriculteur. D'après mon expérience, c'est parfois la différence entre la mort totale des cultures et le succès. Dans certains pays, les tomates [d'une variété donnée] sont régulièrement greffées sur d'autres variétés de tomates sélectionnées pour leur résistantes aux nématodes, généralement lorsque les plantes sont assez petites et tendres. * Ici, je parle de l'utilisation d'autres espèces tropicales rustiques comme porte-greffe pour les cultures sensibles.
Contexte et inspiration initiale pour la greffe
Mon expérimentation avec des porte-greffes résistants aux nématodes s'est déroulée dans le contexte du centre de la Floride, une région au sol sableux ayant de fortes populations de nématodes qui nuisent aux cultures de solanacées. J'ai utilisé deux espèces d'arbustes tropicaux rustiques comme porte-greffe: Solanum torvum (aubergine sauvage) et Solanum macranthum (arbre patate). L’aubergine sauvage est cultivée comme culture vivrière en Asie du Sud-Est et dans les Caraïbes, et l’arbre patate est une plante ornementale cultivée. Les deux espèces poussent vigoureusement dans nos sols, apparemment non affectées par les nématodes nuisibles. [ATTENTION: Soyez conscients des toxines dans les cultures de solanacées (abordées plus loin dans ce document). De plus, S. torvum peut se propager rapidement sous forme de mauvaise herbe; cliquez ici pour une fiche CABI avec plus d'informations.] Les principales espèces de greffon que j'ai expérimentées sont l'aubergine (Solanum melongena), la naranjilla (Solanum quitoense) et le tamarillo (Solanum betaceum).
Mon intérêt pour la greffe des solanacées a commencé avec le tamarillo, une culture que beaucoup considèrent comme impossible à cultiver en Floride. L'opinion générale est que le climat ici est trop chaud et que cette plante a besoin des températures plus fraîches et plus modérées de son habitat naturel dans les Andes. C'était aussi ma perception lorsque j'ai brièvement fait des expériences avec la plante il y a des années, en la considérant comme quelque chose qui ne pouvait pas pousser en Floride.
Puis, en visitant une ferme en Floride l'année dernière, j'ai remarqué que je me tenais sous la canopée d'un tamarillo en fructification! Après inspection et enquête, j'ai appris que la plante avait été greffée sur un surgeon à la base d'un arbre patate ornemental, S. macranthum. La tomate chauve-souris, S. sessiflorum, a également été greffée sur l’arbre patate (et en fructification). La tomate chauve-souris est une autre espèce avec laquelle j'avais brièvement expérimenté dans le passé et abandonné après des résultats médiocres. J'ai eu une révélation! Peut-être que le climat n'était pas la raison pour laquelle le tamarillo et la tomate chauve-souris ne réussissaient pas dans les jardins; et si le problème venait plutôt des systèmes racinaires? J'ai rapidement rassemblé les graines de l’arbre patate et ai fait des plans pour l'utiliser comme porte-greffe.
La méthode de greffage utilisée
La technique que j'ai employée est la greffe de fente, en utilisant les pousses terminales comme greffon (Figure 15). Je plante le porte-greffe et la culture désirée en pépinière le même jour, afin de pouvoir travailler avec des plantes à peu près de la même taille. Pour le greffage, je préfère un diamètre de tige d'environ 0,5 à 1,0 cm. Je coupe le haut du plant de greffon, enlève le haut du plant de porte-greffe, puis je greffe le morceau de greffon (haut du plant de greffon) de ma culture souhaitée sur la partie restante (en bas) du plant de porte-greffe. Ensuite, j'enlève toutes les feuilles du greffon en prenant soin de ne pas endommager le bourgeon terminal émergent. J'enveloppe le point de greffe et le tissu du greffon avec du parafilm pour exclure l'eau du point de greffe et empêcher le tissu de se dessécher. La pointe même du greffon peut être laissée non enveloppée, ce qui permet à une nouvelle croissance d'émerger facilement. Une autre option pour éviter la dessiccation, en plus d'envelopper le point de greffe avec du parafilm, consiste à ensacher les plantes avec du plastique transparent. L'ensachage des greffes peut aider à augmenter l'humidité, mais assurez-vous de ne pas les laisser au soleil, sinon ils vont mourir. Gardez les plantes fraîchement greffées à l'ombre dans des conditions très humides.
Acclimatez lentement les greffes à la lumière du soleil sur une période d'une semaine à dix jours. Pour les greffes ensachées, ce processus commence par le retrait ou le déchirement du sac pour exposer la greffe aux conditions ambiantes. J'ai tendance à percer un trou dans le sac et, en quelques jours, à agrandir la déchirure. C'est pourquoi je préfère le parafilm avec le bourgeon terminal découvert, car il élimine l'étape de retrait du sac sur chaque greffe. Je déplace les plantes un peu plus loin de l'ombre chaque jour pendant les arrosages du matin.
Les greffes de plantes herbacées guérissent et poussent beaucoup plus rapidement que les plantes ligneuses greffées; une abondance de cambium dans ces plantes à tissus mous signifie que la haute précision des coupes n'est pas aussi importante que celle des espèces ligneuses. Si les procédures de base mentionnées ci-dessus sont suivies, le taux de réussite de la greffe est très élevé.
Résultats d'expérimentation personnelle
Le greffage du tamarillo et de la Morelle de Quito sur S. macranthum s'est avéré facile. Après un peu moins d'un an d'expérimentation, j'ai des plantes de tamarillo florissantes qui supportent la période la plus chaude de l'année sans trop de problèmes. Certaines de ces plantes sont maintenant plus hautes que moi et commencent à fleurir. Je n'ai pas encore réussi à concrétiser le tamarillo, mais je considère cette expérience comme un succès majeur pour démontrer que cette plante et d'autres peuvent grandement bénéficier d'une greffe sur des porte-greffes résistants aux nématodes. La Morelle de Quito est généralement gravement affectée par les nématodes dans le centre de la Floride, mais mes plants de Morelle de Quito greffés sont en plein essor et porteront bientôt des fruits.
J'ai également greffé des aubergines sur S. torvum, et le porte-greffe semble donner aux plantes une rusticité et une longévité plus générales. * Un ami a greffé des tomates sur S. torvum et a signalé une vigueur supérieure à la moyenne, une résistance aux maladies et une bonne performance globale des cultures. Au Kenya, où le tamarillo est cultivé à grande échelle et est largement greffé sur un porte-greffe localement disponible (S. mauritanium), on dit que la greffe interspécifique augmente le succès de la culture générale et confère une tolérance à la sécheresse au tamarillo. Une résistance accrue aux nématodes pourrait aider à expliquer la résilience rapportée des plantes greffées.
Le genre Solanum semble avoir une très large compatibilité avec les greffes. Chaque combinaison de greffes que j'ai essayée jusqu'à présent (y compris 7 espèces ou plus) a réussi sans problème apparent. Cela dit, certaines combinaisons semblent montrer plus de vigueur que d'autres. Le tamarillo et la Morelle de Quito ont tendance à mieux pousser sur S. macranthum, tandis que l'aubergine semble préfére S. torvum.
Une mise en garde concernant les toxines
Il y a une question importante à considérer concernant la greffe de solanacées: les toxines peuvent-elles migrer du porte-greffe d'une plante vers le tissu du greffon, générant des fruits toxiques? J'ai posé cette question au fermier de Floride qui a cultivé le tamarillo dont j'avais été tellement surpris de voir la fructification (étant donné que S. macranthum est une plante toxique). Il a rejeté mon inquiétude et m'a dit qu'il avait mangé de ces combinaisons de greffes pendant des années sans problème. Cependant, par le bouche à oreille, j'ai appris qu'un spécialiste des fruits bien connu du sud de la Floride insiste sur le fait que le greffage sur des espèces de Datura (un groupe de plantes hautement toxiques) donne des fruits toxiques.* Il est plus sage de procéder en utilisant des espèces comestibles connues ou qui ont déjà été utilisées à cet effet.
Application par les agriculteurs
Chaque agriculteur devra déterminer si l'amélioration de la santé et du rendement de la plante l'emporte sur le coût en temps et en énergie consacrés au greffage. Les économies locales et les conditions de croissance spécifiques dicteront le résultat de ce calcul, mais cela peut dépendre en grande partie de la densité à laquelle une culture est cultivée. Par exemple, le tamarillo est souvent cultivé à 1/10 ou moins de la densité à laquelle les tomates sont cultivées, de sorte que le greffage des tamarillos peut être plus rentable car le greffage prendra beaucoup moins de temps. Les tamarillos vivent également beaucoup plus longtemps, donc la greffe doit se produire moins souvent. Mis à part les considérations économiques, la greffe de solanacées s'avère extrêmement prometteuse comme moyen d'adapter ces cultures à des conditions de sol moins qu'idéales. Je pense que cela mérite l'attention sous les tropiques en tant que moyen pratique de permettre à davantage d'agriculteurs de cultiver des légumes à forte valeur. Là où les cultures de Solanum sont limitées par des problèmes racinaires, la greffe vaut la peine d'être essayée. Tout en essayant diverses combinaisons porte-greffe / greffon, cherchez des moyens de les greffer en utilisant des matériaux disponibles localement.
Références
Bletsos, F., C. Thanassoulopoulos, et D. Roupakias. 2003. Effect of grafting on growth yield, and verticillium wilt of eggplant [Effet du greffage sur le rendement de croissance et la verticilliose de l'aubergine]. HortScience 38(2):183-186.
Heiser, C.B. 1992. Of Plants and People [De plantes et de gens]. University of Oklahoma Press.
Oshiro, N., K. Kuniyoshi, A. Nakamura, Y. Araki, K. Tamanaha, et Y. Inafuku. 2008. A case of food poisoning due to ingestion of eggplant, Solanum melongena, grafted on devil’s trumpet, Datura metel (in Japanese) [Cas d’intoxication alimentaire due à l’ingestion de l’aubergine, Solanum melongena, greffée sur la trompette du diable, Datura metel (en japonais)]. Shokuhin Eiseigaku Zasshi 49:376-379.
Petran, A. et E. Hoover. 2014. Solanum torvum as a compatible rootstock in interspecific tomato grafting [Solanum torvum comme porte-greffe compatible dans le greffage interspécifique de la tomate]. Journal of Horticulture 1:103.
Lectures complémentaires
Hu, B., S. Short, M. Soltan et M.D. Kleinhenz. (année non indiquée). Guide de greffage 3e édition: Un guide illustré des méthodes de greffage par fente et par épissure pour la tomate et le poivre. Bulletin 950. Site Internet consulté le 15 octobre 2020: http://www.walterreeves.com/wp-content/uploads/2010/11/tomato-grafting-guide.compressed.pdf [Voir pages 55 à 65 pour des explications détaillées et des photos de la technique de greffage par fente sur des plants de tomates.]
Exemples documentés de S. macranthum comme porte-greffe:
- Ledin, B.R. 1952. The naranjilla (Solanum quitoense LAM.). Florida Agricultural Experiment Station Journal Series, n ° 106: 187-190. [Cet article relate le succès du Dr Milton Cobin dans le greffage de la naranjilla sur S. macranthum.]
- Whitman, W. 1958. Activités du Conseil des fruits rares 1957-58. Actes de la Florida State Horticultural Society 71:278-287. [Des greffes de naranjilla sur S. macranthum ont été mises à disposition pour distribution dans le cadre d'une activité du Conseil des fruits rares.]
- Hodge, D. 1995. Les archives du Conseil des fruits rares de l’Australie. Site Internet consulté le 15 octobre 2020:https://rfcarchives.org.au/Next/CaringForTrees/Rootstocks9-95.htm. [Mention est faite du tamarillo greffé sur S. macranthum.]
Citer comme suit:
Jamison, J. 2020. Greffage du tamarillo et d'autres cultures de solanacées pour une résistance aux nématodes. Notes de développement de ECHO no 149