Pour moi, le paillage a été une progression d’apprentissage. Je vis et travaille en Haïti et j’expérimente différentes idées pour voir ce qui fonctionnera dans notre contexte. Les cultures et les techniques spécifiques mentionnées peuvent ou non fonctionner pour vous, mais j’aimerais partager six principes de base du paillage que j’ai trouvés essentiels pour promouvoir la santé du sol.
1. Gardez toujours le sol couvert
J’ai été très tôt un adepte du paillage, mais je n’en ai compris les avantages que lorsque j’ai commencé à l’expérimenter dans un sol très sablonneux. Nous avons irrigué quelques bananiers et les avons comparés à d’autres bananiers recouverts de paillis sans irrigation. Notre climat connaît une saison sèche allant de trois mois et demi à quatre mois. Si vous voulez cultiver des bananes, vous devez irriguer pendant la saison sèche. Avec le paillis uniquement — sans irrigation — nous pouvions faire pousser des bananes tout au long de l’année. C’est ce que nous avons fait pendant environ cinq ans, en ne laissant jamais le sol à découvert et en le paillant d’un mélange de ce dont nous disposions. Dans la plupart des endroits du monde, il n’y a pas assez de paillis parce que la matière organique est très limitée [ou parce qu’il y a des utilisations concurrentes], ce qui m’amène au principe suivant.
2. Utilisez ce dont vous disposez
Peu importe le type de matériau, utilisez tout ce dont vous disposez pour pailler! Lorsque nous avons commencé, nous avons remorqué une grande partie de notre paillis parce que nous utilisions des choses comme la bagasse de canne à sucre, qui n’était disponible qu’à l’extérieur du site. Il fallait beaucoup de travail pour la couper et la transporter dans le champ. Je voyais les avantages du paillage, mais j’étais fatigué de transporter du paillis et nous n’en avions jamais suffisamment; cela demandait trop de travail.
3. Produisez votre propre paillis, pensez-y !
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Figure 11. étiver nouvellement planté (en haut) et vétiver planté sur le contour d’un champ (en bas). Source: Mike Martin
La première chose que j’ai faite a été de penser à produire mon propre paillis et de planifier soigneusement. Nous avons commencé par planter des rangées de vétiver (Chrysopogon zizanioides) partout sur les terres dont nous nous occupions (figure 11). Nous l’avons planté en rangées pour diviser les champs ou pour former des haies autour de l’extérieur ou pour partager les champs. Nous l’avons ensuite coupé et utilisé comme paillis. Nous l’avons planté dans des zones à l’intérieur et autour du champ où il était facile de le couper et de le laisser tomber sur place. C’était tellement plus facile que transporter le paillis jusqu’au site!
Au bout d’un certain temps, nous avons commencé à nous intéresser de plus près aux cultures de couverture et engrais verts. Nous avons essayé un grand nombre de cultures de couverture et engrais verts, pour finalement en choisir deux : le haricot velouté (Mucuna pruriens) et le haricot gris (Canavalia ensiformis). En cas de contre-saison prolongée, nous cultivons le haricot velouté, sinon nous cultivons le haricot gris. Nous cultivons généralement la culture de couverture choisie en mélange avec le sorgho (Sorghum bicolor) et le pois d’Angole (Cajanus cajan), qui sont tous deux résistants à la sécheresse. Nous ne sommes pas super organisés lors de la plantation ; nous semons les trois cultures de couverture ensemble parce que c’est ainsi que les agriculteurs procèdent. J’aime avoir plusieurs cultures en même temps dans le sol pour augmenter la diversité et la résistance. Et maintenant, c’est ce qui constitue notre paillis. Avec cette méthode, le paillis pousse là où on le souhaite ; il suffit de le couper et de le jeter au sol.
4. Faites pousser du paillis compatible et à proximité
Faites pousser du paillis à proximité du champ. Si vous pratiquez la culture intercalaire pour avoir du paillis dans votre champ, assurez-vous que votre paillis est compatible avec votre culture principale. Pour tester la compatibilité du paillis, nous les cultivons (la culture principale et le paillis) côte à côte dans une petite partie du champ et nous observons simplement la culture pour détecter les signes de concurrence tels que la chlorose, le rabougrissement ou le retard de maturité. Essayez de cultiver les cultures côte à côte et voyez ce qui se passe avant de les cultiver dans tout le champ.
Si vous voulez que les agriculteurs utilisent du paillis cultivé, celui-ci doit se trouver dans le champ ou à proximité. Vous ne pouvez pas attendre d’eux qu’ils transportent le paillis sur de longues distances. Le paillage ne doit pas nécessiter beaucoup de travail, sinon vous aurez du mal à le faire adopter par les agriculteurs.
5. Célébrez toute adoption
Si une culture sert à la fois de nourriture pour les animaux et de paillis, ne critiquez pas les gens qui la donnent à leurs animaux. La plupart du temps, l’animal a beaucoup plus de valeur que le paillis. Il faut considérer l’ensemble du système et comprendre le cycle global que l’agriculteur envisage.
Nous avons vu beaucoup de gens adapter les choses pour qu’elles correspondent à leur contexte. S’ils ne veulent pas épandre du paillis sur l’ensemble de leur champ, par exemple, ils l’empilent et l’épandent l’année suivante. Je ne le ferais pas de cette manière, mais si cela fonctionne pour l’agriculteur, tant mieux !
Un mois avant d’organiser un séminaire sur le paillage, nous apportons du paillis sur le site. Nous plantons du maïs sur une petite surface et en paillons la moitié, à titre d’exemple. Pendant le séminaire, nous sortons observer la démonstration et nous demandons aux participants d’évaluer les deux parcelles. Même au milieu de la saison sèche, nous avons eu du maïs dans la zone paillée. Cette activité crée un point de discussion avec les agriculteurs et vous donne l’occasion d’entendre leurs réactions à l’idée de garder le sol couvert.
La résistance au paillage
Ce sont les grillons qui nous opposent la plus grande résistance à l’adoption de pratiques de paillage. Dans notre région, si vous paillez un champ, les grillons risquent de se nourrir de votre récolte. Nous en avons fait l’expérience, en particulier avec les haricots. Et si vous êtes le seul à avoir un champ paillé dans les environs, vos cultures seront décimées. Les grillons vivent et se reproduisent peut-être sous le paillis. Si nous plantons des haricots ou quelque chose que les grillons aiment manger, nous ne les paillerons pas avant qu’ils ne soient bien établis, et alors les grillons ne les dérangeront pas.
6. Les sols sont vivants
Lorsque nous discutons avec les agriculteurs, nous ne commençons pas par le paillage. Nous prenons notre temps et parlons du fait que le sol est vivant avant de passer à la pratique du paillage. Grâce à cette démarche éducative, nous avons réussi à convaincre les agriculteurs d’une région entière d’arrêter de brûler. Si l’on parvient à convaincre les gens d’arrêter la culture sur brûlis, c’est déjà un succès. Une fois que les agriculteurs ont compris que leur sol est vivant, nous parlons de couvrir le sol. La clé de l’adoption par les agriculteurs est d’aimer patiemment, de marcher aux côtés des gens et de découvrir le « pourquoi » avec eux. Il est important de partager des concepts simples avant les concepts complexes et d’écouter la façon dont ils comprennent ce que vous dites.
Nous utilisons des termes très simples. Nous parlons d’abord du sol, car si vous dites à quelqu’un de pailler sans inclure le « pourquoi », il ne comprendra pas l’objectif du paillage. Si vous lui dites « Votre sol est vivant », il vous répondra probablement « Je ne l’ai pas entendu dire quoi que ce soit ». Il faut aussi leur montrer.
Après avoir parlé de la vie du sol, nous partons creuser des vers de terre dans un pied carré sous des bananiers ou d’autres arbres sains. Nous répétons l’opération au milieu du champ pour comparer les deux sols. Nous passons par ce processus et par d’autres formations, principalement par le biais d’activités pratiques. Après la formation sur la santé des sols et le paillage, nous effectuons environ tous les mois des visites de suivi auprès des participants. Cela nous aide à estimer le taux d’adoption.
Quelques options de paillis
Si vous plantez des légumes, vous devez utiliser un paillis qui se décompose plus rapidement. Si vous paillez des plantes vivaces, vous devez utiliser un paillis constitué plus de bois, qui se décomposera plus lentement.
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Figure 12. Herbe à éléphant/napier plantée dans un champ. Source: Mike Martin
ous pouvez utiliser de l’herbe à éléphant (Pennisetum purpureum), mais elle doit être mature, robuste et ligneuse pour être utilisée comme paillis. S’il y a beaucoup de pluie, elle peut repousser un peu, mais il suffit de la déplacer avec le pied ou une houe pour la déraciner et elle mourra. L’herbe à éléphant est également un fourrage fantastique et est utile dans le cadre d’un programme de pâturage. Si vous plantez des cultures en rangs à côté de l’herbe à éléphant, vous constaterez une baisse importante du rendement, et ce n’est donc pas une bonne haie pour lutter contre l’érosion. Nous avons effectué des tests avec plusieurs variétés d’herbe à éléphant (figure 12) et nous avons constaté des effets négatifs sur les rendements des cultures jusqu’à 7,6 m de l’herbe à éléphant. Elle est en concurrence avec l’azote dans le sol et provoque un jaunissement. J’ai constaté qu’elle avait un effet négatif sur les rendements de café et de poivron dans les champs. Nous n’avons pas constaté ce problème de concurrence avec le vétiver ou l’herbe de Guinée.
La bagasse de canne à sucre se décompose lentement et constitue généralement un déchet. Elle ressemble à un paillis de bois, mais elle est plus fine et filandreuse, longue et difficile à travailler avec. Mais une fois que vous l’avez dans votre jardin, elle couvre le sol pendant longtemps. Une bagasse plus décomposée est plutôt préférable car les sucres affectent le sol et augmentent rapidement la décomposition. Il semble qu’elle provoque des carences en micronutriments, peut-être parce que les microbes présents dans le sol mangent les nutriments présents dans le sol en même temps que les sucres. C’est juste une théorie propre à moi. Nous l’avons remarqué en particulier pour nos tomates. Je ne vous encourage pas à utiliser la bagasse de canne à sucre, sauf si vous en avez en grande quantité.
Ce que nous apprécions dans le haricot gris, c’est qu’il est le plus résistant à la sécheresse parmi toutes les cultures de couverture. Les graines sont si grosses qu’il n’y a vraiment rien qui les mange, contrairement à d’autres cultures. Nous l’avions planté au milieu de la saison sèche et les graines étaient restées sur le sol sec et sablonneux jusqu’à ce qu’un jour, en passant, nous nous étions aperçus que les plants de haricots blancs avaient germé, sans pluie ni irrigation. Nous plantons donc à n’importe quel moment de l’année ; nous ne prêtons pas attention à la pluie.
Nous utilisons beaucoup le gliricidia (Gliricidia sepium) et nous ne l’avons jamais vu concurrencer d’autres cultures, même des arbres fruitiers. Nous avons un projet laitier qui utilise le pâturage intensif. Nous dispersons le gliricidia partout pour l’utiliser comme fourrage, mais nous allons le couper pour l’utiliser et le déposer comme paillis. Nous avons commencé à faire des essais de culture en couloir en incluant différentes strates de cultures de couverture/de paillis vivant avec du gliricidia. Nous en sommes à la quatrième année d’un essai de cultures intercalaires sur une surface de 0,43 ha. Nous avons quatre bandes différentes avec ou sans cultures de couverture, avec des arbres plantés environ tous les 7,6 m sur toutes les bandes cultivées. Nous considérons ces arbres comme une banque de fourrage pour la saison sèche. Nous avons laissé les arbres pousser pendant deux ans avant de les récolter la première fois. Lorsque nous avons élagué les arbres, nous les avons coupés de manière à ce que les animaux attachés aux souches ne puissent pas endommager les nouvelles pousses pendant la saison de croissance. La première taille des arbres, après deux ans de croissance, a produit 810 livres par acre (908 kg/ha) de feuilles vertes et 15 000 livres par acre (16 813 kg/ha) de tiges. Si une famille plantait ce système, les tiges produiraient environ 20 kg de bois par jour. Notre équipe a estimé que cela équivaudrait à environ quatre jours de combustible pour la cuisine. Le deuxième élagage des arbres, après un an de repousse, a produit 90 kg/ha de feuilles vertes et 11 614 kg/ha de bois de chauffage.